janvier 11, 2016

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Nonagénaire dans le lotissement à population mixte

La belle-fille et le fils sont très reconnaissants que Madame S., âgée, ait pu rester vivre dans l'immeuble Casanostra de la Wasenstrasse malgré les travaux de rénovation.

La femme en question est absente. Madame S., 93 ans, la locataire la plus âgée de Casanostra, ne peut pas se présenter au rendez-vous fixé. Elle est hospitalisée depuis cinq jours. Elle souffrait depuis longtemps d'incontinence et depuis quelques semaines, elle devait uriner de plus en plus souvent, dernièrement presque toutes les demi-heures. Soupçon de cystite. Jusqu'à ce que sa belle-fille parvienne enfin à convaincre Madame S. de consulter un médecin, pour la première fois depuis au moins 60 ans. L'examen médical a révélé que Mme S. n'avait pas seulement une cystite, mais aussi d'autres problèmes dans le bas-ventre. Le médecin a envoyé Mme S. à l'hôpital régional. Là, il s'est avéré qu'une opération serait probablement inévitable. A la place de Madame S., ce sont son fils et sa belle-fille qui se sont présentés à l'entretien, le couple S. de Bienne. Monsieur S. travaille comme ingénieur, Madame S. soigne et s'occupe intensivement de sa belle-mère depuis que celle-ci a de plus en plus besoin d'aide. Même si Mme S., âgée, était présente, il n'est pas certain qu'elle puisse répondre à des questions concrètes. "Depuis quelques semaines, elle est comme déboussolée", dit sa belle-fille en montrant sur l'écran de son smartphone une photo portrait de sa belle-mère : "Pour que vous voyiez de qui nous parlons".

L'affaire de la plaque de cuisson


La photo montre une femme aux traits fins dans une chambre d'hôpital, qui semble satisfaite du monde qui l'entoure. L'inquiétude qui l'a agitée ces dernières semaines dans son propre appartement ne se lit plus sur son visage lorsqu'elle est prise en charge par le personnel médical. Depuis quelques mois, il est clair que Madame S. souffre de démence sénile. Parfois, elle ne trouvait plus la salle de bains, parfois elle oubliait de mettre du café à chauffer. Et donc d'éteindre la plaque de cuisson. Ses filles et sa belle-fille ont dû se résoudre à s'occuper de Mme S. presque 24 heures sur 24. D'autre part, les risques auraient été trop importants. Un lit d'urgence se trouve dans le salon de l'appartement, pour d'éventuelles gardes de nuit. L'appartement fait partie de l'immeuble de la Wasenstrasse, que Casanostra a acheté en 2013 et rénové au cours des années suivantes. En tant que gestionnaire social d'immeubles, l'association s'est efforcée de trouver une solution adéquate pour tous les locataires. "Dans le cas de Mme S., qui est âgée, cela signifie qu'on ne transplante pas un vieil arbre, surtout contre sa volonté", explique Heidi Schneider, la responsable du secteur travail social de Casanostra, présente à la réunion. Schneider vient de suivre une formation continue en gériatrie. "En raison de l'évolution démographique, il y aura à l'avenir de plus en plus de personnes âgées ayant besoin d'aide et qui seront en outre touchées par la pauvreté. Nous nous y préparons en développant également des connaissances spécialisées dans le domaine de la vieillesse, afin de pouvoir accompagner les personnes âgées de manière appropriée". Le couple S. est très reconnaissant à Casanostra de permettre à sa femme âgée de rester dans l'immeuble. "Il serait normal qu'après une rénovation coûteuse, il y ait un changement de locataire", dit Monsieur S. "C'est pourquoi nous étions très inquiets lorsque nous avons entendu parler de la vente". Lui-même a grandi dans la maison voisine, avec ses trois sœurs et ses parents. Il se souvient encore comment la maison n'avait ni chauffage central ni machine à laver, comment son père mettait la chaudière sur le feu dans la buanderie de la cour à 3 heures du matin pour que sa mère puisse commencer sa journée de lessive à 5 heures. "Pendant des décennies, jusqu'à la vente à Casanostra, la ville n'a pas investi beaucoup d'argent dans l'entretien". Le père est décédé depuis longtemps ; comme la mère, il a habité presque toute sa vie au "Wasen", comme on appelle le groupe de maisons dans le quartier. Monsieur S. sort un contrat de location datant de 1958, conclu entre le père S., chauffeur, Bienne, et le service immobilier de la ville. Loyer de l'appartement de trois pièces à l'époque : 1236 francs. Par an ! Monsieur S. raconte son enfance heureuse dans cet immeuble animé aux loyers modérés : "Il y avait presque toujours 10 à 15 enfants qui jouaient dans la cour, alors interdite aux voitures. La cité était bien mélangée. Un policier chargé de veiller à ce que tout se passe bien habitait dans le quartier. Il y avait aussi des familles comme la nôtre, dont des horlogers réputés, mais aussi des hommes ayant un problème d'alcool. Nous, les enfants, on riait aux éclats quand un ivrogne rentrait à la maison le week-end et perdait l'équilibre en essayant de taper dans un ballon de foot". Aujourd'hui encore, la cour intérieure est devenue sans voiture. Et assurer aujourd'hui encore une mixité sociale dans l'immeuble est un objectif important de Casanostra. Dans la Wasenstrasse, les conditions sont particulièrement favorables. "Le quartier lui-même est bien mélangé et les plans des appartements permettent de proposer également des logements locatifs aux clients avec enfants", explique l'assistante sociale Schneider. "Avoir des appartements plus grands à proposer est une préoccupation de notre association, car les familles monoparentales sont particulièrement nombreuses à être pauvres." Nous sommes fin janvier 2016, les travaux d'assainissement de la Wasenstrasse sont encore en cours. Dans la cour, les camions des entreprises de construction locales stationnent à côté d'une décharge de chantier. Deux tiers des appartements de Casanostra ont été loués jusqu'à présent. L'assistante sociale Schneider commente l'état actuel des locataires : "Il y a un Suisse avec son fils de 16 ans, le deuxième plus jeune de quatre enfants. L'homme vit séparé de sa femme et de ses autres enfants, touche l'aide sociale, a des genoux cassés qui le font souffrir. Puis Monsieur B. et sa femme. Il vient du Portugal, travaille chez un électricien, dispose d'un permis de séjour B, sa femme portugaise vit désormais aussi en Suisse, dans le cadre du regroupement familial. La famille vit en grande partie de manière indépendante et n'aurait pas trouvé de logement sans Casanostra. Dans le même immeuble vit une Suissesse, qui est à l'origine une enfant adoptée d'Asie. Après le départ de ses enfants, le loyer de son ancien appartement était supérieur aux normes de l'aide sociale. C'est ainsi qu'elle est arrivée chez Casanostra. Elle a des problèmes de santé et a besoin d'un accompagnement hebdomadaire au logement. Monsieur D. habitait déjà dans le lotissement, nous l'avons repris comme locataire de l'administration municipale des immeubles. Il est bénéficiaire d'une rente partielle de l'AI, peut fonctionner en grande partie seul, mais a besoin de sécurité dans son logement. Un autre locataire habitait déjà dans le lotissement. Il se qualifiait de spécialiste en informatique. Mais il n'a pas payé son loyer à Casanostra et nous avons résilié son bail. Il a perdu un autre appartement qu'il avait pu louer, également en raison de loyers impayés. Entre-temps, il habite à nouveau chez nous et il s'est avéré qu'il n'a pas de formation professionnelle et qu'il vit de l'aide sociale. Depuis peu, il est marié à une femme originaire du Brésil qui est enceinte, qui amène avec elle un enfant d'une relation précédente et qui veut emménager dans son appartement. Un autre locataire, suisse, a des problèmes de dépendance et suit un programme de substitution. Une autre locataire, également suisse, a traversé une crise existentielle après s'être séparée de son partenaire de longue date. Elle vient en fait d'une bonne famille de la classe moyenne. Livrée à elle-même, elle tente de réorganiser sa vie. Comme elle ne pouvait pas justifier d'un revenu, elle n'a pas trouvé de logement. Entre-temps, elle a trouvé un emploi à temps partiel. Elle a deux filles en âge scolaire qui vivent parfois chez elle. Enfin, Monsieur D. vivait jusqu'à présent dans l'un de nos appartements loués dans le quartier de Madretsch, dans un immeuble plutôt délabré de l'offre de logements à bas seuil. En raison de son parcours résidentiel, qui présente de grandes lacunes, il ne lui était pas possible de trouver un logement par lui-même. Mais son appartement de Casanostra était toujours dans un état impeccable. En raison du voisinage difficile dans l'immeuble, il ne s'est jamais vraiment senti à l'aise. L'environnement un peu plus soigné de la Wasenstrasse correspond mieux à son tempérament. Par son comportement, il contribue aussi largement à la stabilité de l'immeuble". Les deux derniers exemples de locataires montrent justement où se situent les limites du concept de mixité à la Wasenstrasse. Les appartements sont en si bon état qu'ils peuvent accueillir une ancienne femme de la classe moyenne et ses filles. D'un autre côté, des locataires à problèmes, comme ceux que Casanostra héberge dans des logements locatifs non rénovés, ne seraient pas satisfaits de l'habitat soigné et du voisinage de la Wasenstrasse. Car celui-ci exige des égards. "Lorsque nous avons appris qu'une association d'aide au logement avait acheté l'immeuble, nous nous sommes inquiétés au début", raconte Monsieur S. "Nous nous demandions qui allait venir habiter là, en tant que voisins de notre mère âgée". Sa femme ajoute : "Pour nous informer, nous avons lu des articles de presse publiés sur Casanostra et nous avons remarqué qu'il s'agissait d'une institution très sérieuse. Le contact personnel avec Mme Schneider a dissipé nos derniers doutes".

Le voisin d'Afrique du Nord


Madame S., qui a déménagé de la Wasenstrasse 44 à la Wasenstrasse 46, d'un appartement de trois pièces à un appartement de deux pièces, s'est bien adaptée à son nouveau logement, raconte le couple S. Elle n'a eu aucun problème avec le nouveau voisinage. Le jeune homme originaire d'Afrique du Nord, qui habite juste en dessous, lui a même apporté un grand soutien par ses attentions. L'emploi du passé dans cette déclaration le montre : Actuellement, il est très incertain que Madame S. revienne ou non à la Wasenstrasse. Et si elle pourra encore contribuer à l'avenir à la mixité des âges dans l'immeuble. Son premier séjour à l'hôpital a été plus facile que prévu. Elle a beaucoup apprécié les soins professionnels ainsi que le contact avec les nombreuses personnes. Elle attend maintenant la date de son opération. Il y a un an, lorsque le déménagement au sein de l'immeuble de la Wasenstrasse était prévu, le passage dans une institution de soins avait déjà été envisagé, explique Madame S., la belle-fille. Mais à l'époque, sa belle-mère âgée était en bien meilleure forme qu'aujourd'hui. Et il lui tenait alors à cœur de pouvoir continuer à vivre dans l'immeuble qui avait été son domicile pendant presque toute sa vie. Dans un environnement familier, à distance de marche du boucher, du boulanger et du coiffeur qu'elle fréquentait depuis longtemps.

Enregistré en janvier 2016